Un verre, deux verres, trois verres...
Faut-il boire beaucoup pour boire bien ?
A l'issue de ma formation de caviste, comme beaucoup sans doute, et sans même le vouloir, j'ai fait mon petit auto-bilan de mes aptitudes, point forts et points faibles.
À ce niveau très modeste de ma carrière certains atouts apparaissaient : ma passion pour le produit, l’envie dévorante d’aller à la rencontre de ceux qui le font , d’aller à la rencontre de leurs terroirs, ma curiosité insatiable, ne rien prendre pour acquis dans ce domaine de nécessaire remise en question permanente, et tout simplement, le plaisir, si fondamental....la base finalement.
Cependant, un complexe est apparu : Je ne buvais pas assez.
Une bonne partie de mes collègues pouvait goûter jusqu'à une dizaine de cuvées (les "passionnés, les vrais !" Ai-je entendu) dans la même soirée (là, ils boivent) ou une cinquantaine dans le même salon (là, ils recrachent). Quant à moi, ralentie par la fatigue gagnant mes papilles et mon corps tout entier, je peinais à suivre la cadence. Je me forçais pour « faire honneur », et surtout ne pas passer à côté d’un vin qui pourrait être LA trouvaille.
Entre cavistes, il faut savoir que c’est toujours le vin que l’autre n’a pas goûté qui est le meilleur, une règle d’or du snobisme "cavistien" !
Donc, ne voulant pas subir l’affront et la frustration du « Tu ne l’as pas goûté ??!!! », je goutais. Pour ensuite en payer le prix cher le lendemain et ne plus me souvenirs des détails de la dégustation (là, tout n’est pas recraché).
Voila, c'est dit, je suis caviste et « je ne tiens pas bien l'alcool » (ou pas plus que de raison).
A la suite de ce constat, face à ce consensus, adopté par beaucoup, du "il faut boire beaucoup pour mieux gouter", les doutes m'ont envahie....
Etais-je légitime ? Obtiendrais-je l’approbation de mes pairs en refusant de goûter et/ou boire quotidiennement ? Est-ce normal de vouloir écouter mon corps et ses limites plutôt que de découvrir ce vin que l'on me propose ? Peut-être ne suis-je pas suffisamment passionnée ? Peut-être devrais-je me limiter à ma passion pour le thé et laisser le vin aux corps plus endurants ? Clairement, à ce stade, le doute est devenu complexe, j'enviais ceux qui "tenaient" et avouais mon échec.
Voilà un tout petit extrait de ce que j’ai entendu de la part de certains de mes collègues, patrons ou même tuteurs :
- « Tant que tu ne te lèves pas la nuit pour boire c’est que ça va ! » (bon, bah c’est bon alors !)
- « Pas la peine de recracher, on n’est pas au boulot ! (en dégustation pro, dans le cadre pro…)
- « Le vin, ça ne s’apprend pas dans les bouquins ! » (parce que je demande des explications au lieu de tout simplement gouter/boire)
Et je passe sur les multiples et constructifs « Alleeeeeezz…t’es pas drôle…un derniiieeeeerrrr ! » en fin de service ou de journée.
Bref, face à ces sollicitations ou réflexions, face à mon futur métier, j’ai du m’interroger sur la/ma consommation, en tant que caviste, en tant que personne… je vous ferai part de ce qui en est ressorti dans la suite de cet article, après-demain.
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